La sécheresse devait déjà régner à l’intérieur des terres.
Sur le port, quelques mouettes voletaient encore, mais la plupart des oiseaux avaient gagné le couvert des pontons.
La grande majorité des embarcations de pêche demeuraient à quai.
La mer était d’huile, et sortir dans ses conditions relevait de l’inconscience.
Aucun bateau de commerce n’était annoncé avant plusieurs jours.
Seules des galères pouvaient naviguer, et sous ce soleil vorace, les forces des rameurs faiblissaient rapidement.
Certains voyageurs se voyaient bloqués à Antos, comme en témoignait la présence de plusieurs nefs elfiques, fines et élancées, décorées d’arabesques et pourvues d’une mture élégante, conçue pour la vitesse, de navires marchands laverne et ysgard, et même d’un vaisseau monastique de la théocratie d’Ybanion.
Plus à l’écart, des bateaux de guerre orcs, reconvertis en transports, attendaient leurs équipages.
En tout autre endroit du monde, autant d’ennemis naturels rassemblés au même endroit, coincés par la mer, auraient eu tôt fait de transformer la cité en un gigantesque champ de bataille.
Mais dans les Îles Dorées, seule la règle du profit prévalait.
Et les compagnies de mercenaires pouvaient faire respecter ce cessez-le-feu implicite à la force de leurs épées.
Alors chaque visiteur était prié de laisser ses opinions politiques, ethniques, ou simplement naturelles aux portes du territoire.
Après tout, aucun peuple n’aurait voulu se voir priver du passage des précieux convois des marchands, seul trait d’union entre des nations autrement hostiles.
Cependant cette vague de chaleur avait des effets néfastes autant sur les corps que sur les humeurs et un nombre conséquent de bagarres et autres échauffourées était à déplorer dans les auberges, ou sur les marchés couverts d’Antos.
Les mercenaires souffraient eux aussi de la chaleur, et leur efficacité s’en ressentait.
Réfugié dans les profondeurs du Temple de Cerantes, dieu du commerce et des voleurs, particulièrement apprécié dans la république marchande, Ingwelhessalhan Ellesindelhas, consultait quelque ancien et obscur parchemin traitant de la signification mystique de certains rituels du culte, pratiqués plus de trois siècles auparavant.
En fait, il s’en souciait à peu près autant que de son premier larcin, mais la chaleur l’insupportait.
Et les archives étaient l’endroit le plus frais du temple.
Quelques chandeliers éclairaient la salle.
Lui-même avait posé une chandelle sur le coin de sa table de travail.
La pénombre était rafraîchissante.
Et guère handicapante pour Ingwel ; les elfes jouissaient d’une vue perçante, même en cas de très faible luminosité.
De la pointe de sa dague, il tentait d’extraire un nœud du bois de sa table.
Une table qui devait être presque aussi vieille que lui.
Le Temple des Îles Dorées avait été le premier grand temple de Cerantes, et on y trouvait de nombreuses reliques ou antiquités.
Le mobilier en constituait une bonne part.
Heureusement, personne d’autre ne semblait avoir eu l’idée de se réfugier à la cave.
Il n’était dérangé que par le bruit des rats qui grignotaient les ouvrages, ou se déplaçaient sans crainte entre les étagères.
Il n’était pas particulièrement attentif, Numerologie pourtant il aurait pu dire le nombre exact de rongeurs dans les archives.
Son ouïe, elle aussi, était particulièrement aiguisée.
Aussi le grincement de la lourde porte du sous-sol lui fut-il aussi perceptible qu’un hurlement.
Penché sur ses parchemins, il suivit la démarche lourde et essoufflée de l’homme qui approchait.
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