Ce jour-là, l’inhabituel décida à sa place : une voiture de gendarmerie avait stoppé dans la cour, et Aubin connaissait bien celui qui en était descendu, pour avoir été son condisciple à l’école du bourg.
Ils bénéficiaient l’un et l’autre de l’estime mutuelle que se réservent ceux qui se savent entre honnêtes gens.
– Bonjour, adjudant.
Quel bon vent m’amène la gendarmerie de si bon matin ?
Le militaire répondit avec un sourire las.
– Un vent de folie, qui nous a tenus une partie de la nuit, et ne m’emmerde pas avec tes « adjudant ».
Bonjour, Aubin.
– À ton aise.
Veux-tu entrer boire un café ?
– Sincèrement, je préférerais un bain chaud, avec mon lit à proximité, mais je crois devoir y renoncer encore un temps.
Il redevint grave, presque soucieux.
– En fait, j’ai juste quelques questions à te poser.
Rien d’officiel, mais tu vas peut-être pouvoir éclairer ma lanterne.
– Si je peux, c’est volontiers.
Je t’écoute.
L’adjudant prit une profonde inspiration.
Si tu es encore capable de me le réclamer…
Aubin pivota lentement sur lui-même.
– Vous seriez prête à vous engager là-dessus ?
Fébrile, elle tentait de dissimuler son excitation, mais le triomphe lui rosissait les joues.
– Bien sûr ! Viens ! Viens donc, je vais te signer un papier tout de suite !
Aubin ne bougea pas.
– Si vous insistez pour aller au bout de votre folie, je vous offrirai volontiers quelques cheveux.
Mais je veux être sûr de recevoir ce que vous m’offrez en gage, et une feuille griffonnée sur un coin de table n’y suffira pas, Tarots gratuits étant donnée la valeur de l’enjeu.
Je reviendrai dans trois jours : si vous me présentez un document notarié qui vous engage dans ce sens, vous aurez l’ingrédient qui vous manque pour épicer votre soupe.
Au revoir, Madame.
Société
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