Société

Le texte en était conforme à ses attentes

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  • 13 décembre 2011

Tu l’auras, et cochon qui s’en dédit, pas vrai ? On ne revient pas dessus ! Si tu te dégonfles, je ferai en sorte que tout le monde le sache !
Aubin s’arrêta à nouveau, se tournant juste le nécessaire afin de capter le regard de son interlocutrice.
– Vos menaces sont inutiles, voisine.
Je n’ai pas l’habitude de revenir sur un marché lorsqu’il est conclu.
Puis il reprit son chemin. « Qui marche droit sait qu’il a raison », disait l’ancien.
Le jour dit, il fut au rendez-vous.
La chtelaine lui présenta un feuillet officiel, revêtu des cachets légaux et de la respectable signature du notaire du bourg.
Le texte en était conforme à ses attentes, et Aubin, abandonnant le document à la main qui ne le lchait pas, recula d’un pas, ôtant son chapeau qu’il déposa sur la tête de pierre de l’angelot au nez meurtri.
Sans un mot, il prit dans sa poche les petits ciseaux d’argent qu’il avait apportés, puis trancha calmement une mèche de ses cheveux noirs et indisciplinés, qu’il présenta du bout des doigts à sa voisine.
Le souffle raccourci de la femme dénonçait sa tension.
– Ça suffira ?
Il avait posé la question avec naturel.
Elle y répondit d’une voix basse, vibrante d’un triomphe attendu et glacé.
– … Largement !
Elle semblait hypnotisée par la maigre touffe qu’elle reçut avec avidité dans sa main tendue.
Abandonnant le document à Aubin, elle se replia vers la demeure, mains jointes autour de son étrange trésor.
Avant de refermer derrière elle la lourde porte de chêne, elle cracha à l’adresse de son voisin, d’une voix fielleuse et convaincue : – Tu es mort… !
Aubin, resté seul, plia avec soin le papier qu’il envoya rejoindre les ciseaux dans sa poche.
Spock et Brésil avaient pris de l’avance.
Après un dernier regard à la btisse silencieuse, il haussa les épaules avant de s’en retourner.
Quand vint le soir, Aubin n’eut guère plus de difficultés que d’habitude à trouver le sommeil.
Son repos fut cependant troublé, cette nuit-là, par un cri lointain.
Un long cri de terreur et de désespoir, Voyance en directe comme seuls savent se l’arracher du plus profond d’eux-mêmes les animaux acculés par leur prédateur le plus sanguinaire.
Il ne connaissait pas de proie susceptible d’émettre une telle plainte, et c’est l’étrangeté même de ce cri inconnu qui avait éveillé Aubin.
Il connaissait depuis l’enfance la rumeur nocturne de la forêt, dont l’ancien lui avait appris à déchiffrer les voix : il écoutait les bois ainsi qu’un chef d’orchestre écoute une symphonie, et la forêt s’était tue un moment encore après que l’étrange appel se fut éteint.
Puis la vie sauvage avait retrouvé ses droits, investissant à nouveau l’espace sonore, et Aubin s’était rendormi.

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